TRAVERSÉE DU SALAR
Le bout du monde. Cette pauvre pancarte sur laquelle on a inscrit d’une main maladroite » CHILE » nous ramène à la réalité. Ce lieu n’est autre que la limite sud de la Bolivie, atteinte après des jours de piste à travers un paysage aride.
Seuls des volcans millénaires en activité viennent troubler le repos de ce monde minéral. Nous nous trouvons à la laguna Verde, à plus de 4000 mètres d’altitude, dans le sud Lipez, à plusieurs jours de la première ville bolivienne.
Mais, avant d’atteindre ce lieu particulier, il faut traverser l’Altiplano, du nord au sud, et c’est tout le cour de la Bolivie qui défile sous nos yeux jusqu’à Uyuni, ville far west sortie de nulle part, porte d’entrée des merveilles du Lipez.
Le salar d’Uyuni, immense surface dure comme du roc d’où émergent quelques îles peuplées de cactus géants, preuve que même ici la vie n’a pas renoncé.
Plus au sud, nous pénétrons véritablement dans le désert du Lipez, où les lagunes multicolores jalonnent notre parcours jusqu’à la frontière chilienne. C’est aux alentours de ces îlots de vie que l’on rencontre les véritables propriétaires de la région : les flamants, qui nous lancent des regards hautains, les pattes trempées dans l’eau glacée…
LE SALAR D’UYUNI OU DE TUNUPA
En plein jour, sans lunettes, les yeux ne supporteront pas plus de 5 minutes l’intense rayonnement soleil.
Ici, il ne reste plus que la blancheur aveuglante du sel, à perte de vue. Une immense surface lisse et dure comme du roc à 3640 mètres d’altitude. La superficie couverte par le sel représente l’équivalent de deux départements français ce qui en fait la plus grande étendue plane du monde.
Le salar de Tunupa est issu de l’alternance d’époques pluvieuses et sèches. Situé à l’endroit le plus bas de l’Altiplano (3640 m. alt. contre 3800 m alt. pour le lac Titicaca), il offre un déversoir pour les rivières de la région, rivières aujourd’hui disparues mais qui drainaient alors quantité de sels minéraux, originaires de bassins exogènes.
Le salar est ainsi formé d’un bloc d’une épaisseur estimée à environ 500 mètres, qui alterne couches de sel et couches de sédiments (dépôts sédimentaires quand le salar est sous les eaux puis dépôts des sels minéraux à l’évaporation des eaux).
Mais, même ici, la vie n’a pas renoncé et un écosystème fragile, fruit de milliers d’années d’adaptation, a su se développer. Sur les rares îles de ce désert, petites collines de quelques centaines de mètres de haut perçant le sol tout comme les cimes percent les nuages, surgissent des cactus géants et quelques plantes tenaces dont se nourrissent ses seuls habitants, les viscachas, petits lapins à queue d’écureuil, condamnés à rester là, encerclés par le sel. Enfin, les seuls habitants … pas vraiment.
Alfredo Ticona est Aymara. Pendant presque 10 ans, il fut l’unique habitant « humain » du grand désert de sel. Il vit encore aujourd’hui sur son île Incahuasi (« la maison de l’Inca » en quechua), à près de 80 km de toute vie humaine, encerclé lui aussi par les étendues de sel. Il est originaire de Tahua, un village à l’ouest du salar, construit au pied de la cordillère qui sépare l’Altiplano de la côte Pacifique.
Tout jeune, il participait au convoyage des caravanes avec son père. Pour échanger des marchandises avec leurs voisins chiliens, il aurait fallu franchir les montagnes. Alors l’unique solution était de traverser le grand désert blanc jusqu’à Uyuni, la ville, de l’autre coté, où l’on pouvait échanger son sel, son quinoa, sa laine de lama contre des denrées plus rares. Ainsi les longues caravanes de lamas, bêtes de somme de l’altiplano.
Il nous raconte :
» La traversée se faisait à pied jusqu’au début des années 80, en 2 ou 3 jours. On commençait par dormir sur une île proche de Tahua, pour partir très tôt le lendemain. Il était toujours préférable de marcher de nuit, pour éviter les fortes réverbérations du soleil. Pendant la journée, on devait porter des pièces de tissu noir sur les yeux. On partait à deux heures du matin pour arriver à l’île de Pallali à 10 heures du matin. Les lamas portaient des chaussons de cuir car le sel endommageait leurs pieds. Le lama peut tenir une semaine sans eau…».
C’est durant ces exténuantes traversées qu’Alfredo Ticona tomba amoureux de la solitude du salar et il s’installa alors sur l’île Incahuasi. Aujourd’hui, sa résidence sur l’île est menacée par un projet gouvernemental dont l’objectif, à priori, est de mieux contrôler le passage touristique qui va en augmentant, tout en ne laissant pas Alfredo profiter seul de l’aubaine. Mais comme dirait Alfredo : « Pues soy como el cactus y nunca me voy a ir » (Je suis comme le cactus et je ne partirai jamais).
Il nous raconte :
» La traversée se faisait à pied jusqu’au début des années 80, en 2 ou 3 jours. On commençait par dormir sur une île proche de Tahua, pour partir très tôt le lendemain. Il était toujours préférable de marcher de nuit, pour éviter les fortes réverbérations du soleil. Pendant la journée, on devait porter des pièces de tissu noir sur les yeux. On partait à deux heures du matin pour arriver à l’île de Pallali à 10 heures du matin. Les lamas portaient des chaussons de cuir car le sel endommageait leurs pieds. Le lama peut tenir une semaine sans eau…».
C’est durant ces exténuantes traversées qu’Alfredo Ticona tomba amoureux de la solitude du salar et il s’installa alors sur l’île Incahuasi. Aujourd’hui, sa résidence sur l’île est menacée par un projet gouvernemental dont l’objectif, à priori, est de mieux contrôler le passage touristique qui va en augmentant, tout en ne laissant pas Alfredo profiter seul de l’aubaine. Mais comme dirait Alfredo : « Pues soy como el cactus y nunca me voy a ir » (Je suis comme le cactus et je ne partirai jamais).